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French to Chinese: Cahier du cinéma: Bateau ivre General field: Art/Literary Detailed field: Cinema, Film, TV, Drama
Source text - French La Graine et le mulet d'Abdellatif Kechiche
Bateau ivre
(par Stéphane Delorme)
La dernière séquence de La Graine et le mulet est si impressionnante qu’il est difficile de ne pas commencer par là : un homme âgé, maigre, mais excessivement endurant, court à petits pas derrière des gamins qui lui ont piqué sa mobylette, tandis qu’en montage parallèle une jeune fille s’étourdit dans une danse du ventre avec une foi et un érotisme sans pareils. La séquence dure et ne semble jamais finir, on passe de l’un à l’autre, du ventre maigre que se tient le vieux à bout de souffle au ventre plein de la danseuse plein cadre. L’un et l’autre s’épuisent, ils sont l’impasse que le récit ne pouvait éviter. Et le titre, pas clair pour un Normand qui verrait d’abord l’âne dans le mulet, ce titre en fait dédié au couscous (« la semoule et le poisson ») prend un autre sens : la graine, la jeunesse, l’avenir d’un côté ; et le mulet, cette tête de mule qui n’en finit pas de courir, courage admirable mais abnégation stérile, de l’autre. La graine et le mulet donc sont rassemblés ici dans le plus beau des hommages à la filiation - filiation choisie et non subie.
Devant cette séquence si longue qui laisse pantelant, on comprend à quel point Abdellatif Kechiche, au bout de 2 h 31, a gagné son pari. Il marche seul sur les pas de Pialat, faisant exploser la frontière entre cinéma d’auteur et cinéma populaire, malédiction malade du cinéma français. Car de même que la danse du ventre ne se soutient que du calvaire du vieil homme, le cinéma populaire de Kechiche se soutient d’une exigence de mise en scène qui met en danger ses présupposés. Le premier symptôme de ce risque est la dilatation invraisemblable dont toutes les scènes sont affectées : on prend d’abord cela pour de la complaisance, puis on se demande où la scène veut en venir, avant de comprendre que ce qui naît du temps est avant tout son épuisement. Cinéma populaire donc, mais il n’est pas dit qu’il trouve son public tant l’exaspération de la scène, principe central de ce travail, comme un Sergio Leone loquace, peut décontenancer.
Mais décontenancé, on l’est depuis le début. Tout commence, littéralement, par une banale histoire de fesses : Kader met une tape sur celles de sa maîtresse, et on ne sait pas alors que ce clap inaugural doucement comique aura des conséquences à grand échelle. Puis changement de
personnage, Slimane Beiji, le père de Kader, ouvrier sur un chantier, apprend qu’il n’est plus « productif » : face à face magnifique de l’ouvrier et de son chef, deux personnages burinés aux gueules de western, la peau plissée par l’effort et le soleil. Puis le père rend visite à sa fille Karima, et sa gouaille rappelle les pings-pongs verbaux de L’Esquive : on croit avec elle tenir notre personnage principal. On le croit avant que Rym, la fille de sa maîtresse, presque sa fille adoptive, entre en jeu avec fracas et par un déplacement inattendu s’impose comme le centre de gravité. On a donc navigué à vue, sans que le film ne jette son ancre, sans que le genre ne se fige : adultère amusé de sitcom à la première scène (et lorsqu’on recroisera plus tard la maîtresse dans les bureaux de la mairie, on se croira dans Trop belle la vie) ; « cinéma social », comme on dit, avec le licenciement du père et la discussion vive avec sa fille ; cinéma marseillais (même si l’action se passe à Sète, ce qui accentue l’ambiance de village) avec la petite bande autour de l’hôtel où vit le père, qui ne refuserait pas une bonne partie de cartes à la Pagnol. Mais encore : fable unanimiste à la Capra. Le père veut ouvrir un bateau-restaurant avec ses indemnités de licenciement. Il suffit à Rym de troquer son jogging pour un tailleur et d’entrer fièrement chez la banquière pour qu’on pénètre dans un autre film. Les démarches échouent et le vieux décide de faire une avant-première. Lorsque les « grosses têtes », comme le dit l’un des personnages, à savoir les décideurs de la ville, viennent à l’avant-première du restau, on revit la séquence de Lady for a Day de Capra où la vieille clocharde, déguisée en aristocrate pour ne pas décevoir sa fille, reçoit la visite du maire de New York et de sa clique. C’est invraisemblable que les notables sétois se déplacent tous et perdent ainsi une soirée de leur précieux temps, mais à cet instant on a accepté avec enthousiasme les principes du conte. Sauf que l’unanimisme laisse place à la satire, les notables sont peints à gros traits sans prendre de gants.
La « graine et le mulet », c’est donc un mixte de vitesse et de lenteur : aisance de la narration qui passe d’un bloc à l’autre, d’un genre à l’autre, avec vivacité, et pesanteur de chaque scène. C’est le paradoxe de ce film rapide où seules les scènes paraissent longues. Là encore on pense à Pialat et à ses structures par blocs insécables séparés par des trous noirs ‑ le licenciement du père n’est pas montré ; les travaux du bateau-restaurant avancent par bonds. L’objet principal n’est pas, à rebours du cinéma dominant, l’évolution psychologique des personnages au fil du temps, mais à coups de blocs-durée, le trajet du personnage dans la scène, voire dans le plan.
Il faut voir comment le cinéaste s’installe dans une scène sans qu’on sache s’il attend la petite surprise de la vie comme Renoir, ou s’il a planifié sa pique finale comme De Palma. La scène du couscous s’organise autour de très gros plans conduisant peu à peu à un bel échange de regard entre la tante et son mari Mario, qui essaie de baragouiner quelques mots d’arabe. Kechiche attend que la scène s’épuise d’elle-même, avec le risque d’ennui que cela comporte, et en un instant la scène cristallise et flambe (la bouche brillante de couscous, le regard brillant d’amour). De la même manière, lorsque Rym essaie de convaincre sa mère de se rendre à l’inauguration du bateau-restaurant, elle déploie des trésors d’ingéniosité et d’éloquence devant sa mère figée dans une posture picturale classique, la femme à la coiffeuse. La caméra cadre le profil de la jeune comédienne combattante, puis passe soudain à l’autre profil, appuyé sur la vitre, lorsque l’épuisement commence à se faire sentir : très gros plan encore, la fille pleure, exténuée d’avoir développé tant d’éloquence pour rien ; et pourtant si, victoire, sa mère ira.
Il y a encore ce coup de tonnerre quand, au milieu de ces histoires de famille, un personnage vient tenir le rôle de l’accusé : grand plaisir de revoir Alice Houri (la Nénette de Boni chez Claire Denis) en Julia, émigrée russe trompée par le minet amateur de fesses. Face au père, elle accuse, et la scène dure jusqu’à ce que la famille se fissure de toutes parts : son mari reçoit les coups de fil de ses maîtresses chez sa propre mère, et ses soeurs sont au courant. La famille broie aussi l’individu, et Kechiche le montre. Ce qui rend le film aussi insaisissable qu’un poisson qui glisse entre les mains, c’est ce souci dialectique, dont le dialogue virevoltant est une composante. Rien n’est acquis. Une idée amène son contraire pour se tester.
Et c’est ce qui nous fait presque tourner en bourrique dans la dernière séquence : l’ambiance, la fête, les petites piques contre les bourgeois du coin, la danse du ventre, annoncent une fin heureuse comme le cinéma populaire sait en donner ; et en même temps ces remarques sur le mauvais oeil, ce suspense idiot mais efficace sur le couscous presque renversé puis sur la graine disparue, imposent un climat de menace. On tourne en bourrique comme le vieux dans les mains des gamins qui lui ont piqué sa mobylette même s’ils ne le font que pour s’amuser. Comment prendre ce plan de la maîtresse de Slimane qui va préparer la graine pour sauver la fête alors que le choeur pagnolesque des vieillards a pris soin d’affirmer que son couscous est dégueulasse ? L’issue reste suspendue parce que le scénario n’a pas d’issue : comment croire que cet ouvrier de chantier, très fort à retaper un bateau, va pouvoir gérer un restaurant, en compagnie de deux familles rassemblées par miracle, et avec l’appui des pouvoirs publics ? De toutes parts le projet prend l’eau. L’union sacrée reste momentanée, les deux familles ne s’unissent qu’un instant. Kechiche est justement le cinéaste de cet instant : il faut faire monter la sauce, faire durer la séquence car il n’y a pas de lendemain. Ce rassemblement est une illusion, seule compte l’intensité de cette illusion.
Comme dans L’Esquive, les jeunes femmes sauvent la mise. Elles bougent, agissent, au risque, dialectique toujours, de l’hystérie et de l’acharnement (la trop longue histoire autour de la gamine qui doit aller sur le pot). Karima s’oppose au fatalisme de son mari tandis que leur petit garçon (hasard ?) tapote la tête du père et dit : « Il y a quelqu’un là-dedans ? » ; la mère prend la relève et fait un éloge de la grève des plus revigorants. Surtout, l’impériale Rym traverse les épreuves par amour pour son « père » comme une héroïne de Verhoeven, travestie en sale jogging, en tailleur ou en danseuse du ventre. Hafsia Herzi est donc la nouvelle découverte de Kechiche, désormais meilleur directeur de casting du pays. Elle a la tchatche, et avec un joli accent marseillais. Le cinéaste la filme en gros plan, boucles d’oreilles brillantes, yeux mi-clos, et crée un personnage d’adolescent sidéré (le fils cadet de Slimane) pour relayer son regard émerveillé. Émeut sa danse du ventre amateur, gracieux travail de Titan, comme émeut l’effort de Nomi Malone dans Showgirls : ici et là, la danse mime le sexe avec fièvre. Autour d’elle des vieillards viennent se réchauffer à son soleil, ce ventre qui prend tout sur lui et tourne au rythme de la vie. L’érotisation de cette fille à moitié nue au milieu de vieux décharnés n’a pas peur du scandale, c’est une allégorie : la jeune fille et la mort, ou Suzanne et les vieillards, peut-être.
Les dialectiques programmées sont déplacées. Français/Arabes ? Mais dès le début, le mari de Karima dit que les patrons « ne veulent plus de Français », qu’ils préfèrent des étrangers de passage, il inclut ainsi tous les Français dans le même sac, émigrés ou non. Ouvriers/ patrons ? Oui bien sûr, mais, licencié, Slimane veut créer sa propre entreprise (familiale), dans un geste contraire à l’abattement qu’on attendrait de lui. Kechiche marque les différences de classe, mais il déplace les problèmes sur des questions d’âge et de sexe (hommes/femmes, vieux/jeunes). Le souci, toujours énergétique, est le suivant : où est le moteur ? Où est le moteur de la scène ? du couple ? de la famille ? de la société ? Qu’est-ce qui donne le carburant ? Quand va-t-on manquer de carburant ? Qui a le plus de vie en lui ? Kechiche ne cesse d’envoyer des fusées dans le ciel (Sara Forestier, Sabrina Ouazani, Hafsia Herzi) parce que, maîtresses de la parole et de la danse, les jeunes femmes seules ont la réponse.
English to Chinese (Beijing Foreign Studies University. Graduate School of Translation and Interpretation) Chinese to English (Beijing Foreign Studies University. Graduate School of Translation and Interpretation)
With an LL.M. in EU Economic Law and a B.A in English (Translation), Hua is a Chinese-born French citizen who is dedicated to helping European & US clients communicate with their Chinese interlocutors.
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Also provides linguistic support in daily business exchanges.