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French to English: La Comtesse de Tende - The Comtesse de Tende, (extract) by Madame de Lafayette General field: Art/Literary
Source text - French La Comtesse de Tende
Mademoiselle de Strozzi, fille du maréchal, et proche parente de Catherine de Médicis, épousa, la première année de la régence de cette reine, le comte de Tende, de la maison de Savoie, riche, bien fait, le seigneur de la cour qui vivait avec le plus d'éclat, et plus propre à se faire estimer qu'à plaire. Sa femme, néanmoins, l'aima d'abord avec passion. Elle était fort jeune ; il ne la regarda que comme un enfant, et il fut bientôt amoureux d'une autre. La comtesse de Tende, vive, et d'une race italienne, devint jalouse ; elle ne se donnait point de repos ; elle n'en laissait point à son mari; il évita sa présence, et ne vécut plus avec elle comme l'on vit avec sa femme.
La beauté de la comtesse augmenta; elle fit paraître beaucoup d'esprit; le monde la regarda avec admiration ; elle fut occupée d'elle-même, et guérit insensiblement de sa jalousie et de sa passion. Elle devint l'amie intime de la princesse de Neufchâtel, jeune, belle, et veuve du prince de ce nom, qui lui avait laissé, en mourant, cette souveraineté, qui la rendait le parti de la cour le plus élevé et le plus brillant.
Le chevalier de Navarre, descendu des anciens souverains de ce royaume, était aussi alors jeune, beau, plein d'esprit et d'élévation ; mais la fortune ne lui avait donné d'autre bien que la naissance. Il jeta les yeux sur la princesse de Neufchâtel, dont il connaissait l'esprit, comme sur une personne capable d'un attachement violent, et propre à faire la fortune d'un homme comme lui. Dans cette vue, il s'attacha à elle, sans en être amoureux, et attira son inclination : il en fut souffert ; mais il se trouva encore bien éloigné du succès qu'il désirait. Son dessein était ignoré de tout le monde : un seul de ses amis en avait la confidence, et cet ami était aussi intime ami du comte de Tende : il fit consentir le chevalier de Navarre à confier son secret au comte, dans la vue qu'il l'obligerait à le servir auprès de la princesse de Neufchâtel. Le comte de Tende aimait déjà le chevalier de Navarre ; il en parla à sa femme, pour qui il commençait à avoir plus de considération, et l'obligea, en effet, de faire ce qu'on désirait. La princesse de Neufchâtel lui avait déjà fait Confidence de son inclination pour le chevalier de Navarre : cette comtesse la fortifia.
Le chevalier la vint voir, il prit des liaisons et des mesures avec elle; mais, en la voyant, il prit aussi pour elle une passion violente. II ne s'y abandonna pas d'abord : il vit les obstacles que ces sentiments partagés entre l'amour et l'ambition apporteraient à son dessein : il résista; mais, pour résister, il ne fallait pas voir souvent la comtesse de Tende, et il la voyait tous les jours, en cherchant la princesse de Neufchâtel; ainsi il devint éperdument amoureux de la comtesse.
Il ne put lui cacher entièrement sa passion : elle s'en aperçut; son amour-propre en fut flatté, et elle se sentit un amour violent pour lui. Un jour, comme elle lui parlait de la grande fortune d'épouser la princesse de Neufchâtel, il lui dit en la regardant d'un air où sa passion était entièrement déclarée : Et croyez-vous, madame, qu'il n'y ait point de fortune que je préférasse à celle d'épouser cette princesse? La comtesse de Tende fut frappée des regards et des paroles du chevalier : elle le regarda des mêmes yeux dont il la regardait; et il y eut un trouble et un silence entre eux plus parlant que les paroles. Depuis ce temps, la comtesse fut dans une agitation qui lui ôta le repos : elle sentit le remords d'ôter à son amie le cœur d'un homme qu'elle allait épouser uniquement pour en être aimée, qu'elle épousait avec l'improbation de tout le monde, et aux dépens de son élévation. Cette trahison lui fit horreur : la honte et les malheurs d'une galanterie se présentèrent à son esprit; elle vit l'abîme où elle se précipitait, et elle résolut de l'éviter. Elle tint mal ses résolutions.
La princesse était presque déterminée à épouser le Chevalier de Navarre : néanmoins elle n'était point contente de la passion qu'il avait pour elle; et, au travers de celle qu'elle avait pour lui, et du soin qu'il prenait de la tromper, elle démêlait la tiédeur de ses sentiments. Elle s'en plaignit à la comtesse de Tende. Cette comtesse la rassura; mais les plaintes de madame de Neufchâtel achevèrent de la troubler; elles lui firent voir l'étendue de sa trahison, qui coûterait peut-être la fortune de son amant. La comtesse l'avertit des défiances de la princesse. Il lui témoigna de l'indifférence pour tout, hors d'être aimé d'elle : néanmoins, il se contraignit par ses ordres, et rassura si bien la princesse de Neufchâtel, qu'elle fit voir à la comtesse de Tende qu'elle était entièrement satisfaite du chevalier de Navarre. La jalousie se saisit alors de la comtesse : elle craignit que son amant n'aimât véritablement la princesse : elle vit toutes les raisons qu'il avait de l'aimer ; leur mariage, qu'elle avait souhaité, lui fit
horreur; elle ne voulait pourtant pas qu'il le rompît, et elle se trouvait dans une cruelle incertitude.
Elle laissa voir au chevalier tous ses remords sur la princesse de Neufchâtel; elle résolut seulement de lui cacher sa jalousie et crut en effet la lui avoir cachée. La passion de la princesse surmonta enfin toutes ses irrésolutions. Elle se détermina à son mariage, et se résolut de le faire secrètement, et de ne le déclarer que quand il serait fait; La comtesse de Tende était prête à expirer de douleur. Le même jour qui fut pris pour' le mariage, il y avait une cérémonie publique : son mari y assista ; elle y envoya toutes ses femmes; elle fit dire qu'on ne la voyait pas, et s'enferma dans son cabinet, couchée sur son lit de repos et abandonnée à tout ce que les remords, l'amour et la jalousie peuvent faire sentir de plus douloureux. Comme elle était dans cet état, elle entendit ouvrir une porte dérobée de son cabinet, et vit paraître le chevalier de Navarre , paré et d'une grâce au-dessus de ce qu'elle l'avait jamais vu. « Chevalier, où allez-vous? s'écria-t-elle; que cherchez-vous ? avez-vous perdu la raison? qu'est devenu votre mariage, et songez-Vous à ma réputation? Soyez en repos de votre réputation, madame, lui répondit-il ; personne ne le peut savoir ; il n'est pas question de mon mariage; il ne s'agit plus de ma fortune; il ne s'agit que de votre cœur, madame, et d'être aimé de vous : je renonce à tout le reste. Vous m'avez laissé voir que vous ne me haïssez pas; mais vous m'avez voulu cacher que je suis assez heureux pour que mon mariage vous fasse de la peine : je viens vous dire, madame, que j'y renonce ; que ce mariage me serait un supplice, et que je ne veux vivre que pour vous. On m'attend à l'heure que je vous parle, tout est prêt ; mais je vais tout rompre, si, en le rompant, je fais une chose qui vous soit agréable, et qui vous prouve ma passion. »
La comtesse se laissa tomber sur un lit de repos, dont elle s'était relevée à demi, et regardant le chevalier avec des yeux pleins d'amour et de larmes : « Vous voulez donc que je meure ? lui dit-elle. Croyez-vous qu'un cœur puisse contenir tout ce que vous me faites sentir ? Quitter, à cause de moi, la fortune qui vous attend ! j« n'en puis seulement supporter la pensée. Allez à madame la princesse de Neufchâtel, allez à la grandeur qui vous est destinée ;
vous aurez mon cœur en même temps. Je ferai de mes remords, de mes incertitudes, et de ma jalousie, puisqu'il faut vous l'avouer, tout ce que ma faible raison me conseillera; mais je ne vous verrai jamais, si vous n'allez tout à l'heure signer votre mariage. Allez, ne demeurez pas un moment; mais, pour l'amour de moi, et pour l'amour de vous- même, renoncez à une Le chevalier fut d'abord transporté de joie de se voir si véritablement aimé de la comtesse de Tende ; mais l'horreur de se donner à une autre lui revint devant les yeux; il pleura, il s'affligea, il lui promit tout ce qu'elle voulut, à condition qu'il la reverrait encore dans ce même lieu. Elle voulut savoir, avant qu'il sortît, comment il y était entré. Il lui dit qu'il s'était fié à un écuyer qui était à elle, et qui avait été à lui, qui l'avait fait passer par la cour des écuries où répondait le petit degré qui menait à ce cabinet, et qui répondait aussi à la chambre de l'écuyer. Cependant, l'heure du mariage approchait, et le chevalier, pressé par la comtesse de Tende, fut enfin contraint de s'en aller ; mais il alla comme au supplice, à la plus grande et à la plus agréable fortune où un cadet sans biens eût été jamais élevé
Translation - English The Comtesse de Tende
Mademoiselle de Strozzi, daughter of the Maréchal and a close relative of Catherine de Medicis married, in the first year of the reign of that present queen, the Comte of Tende of the House of Savoie; rich, of noble countenance, more apt to be held in high esteem than found pleasing of character, he was the nobleman at court who lived in the highest of styles. His wife, nevertheless, had married for love. She was in the first flush of youth. The Comte regarded her as little more than a child, soon falling in love with another. The Comtesse de Tende, passionate in nature and of Italian descent, became jealous. She gave herself no rest on the matter, nor did she accord any to her husband. He avoided her presence and no longer lived with her as one does with one’s wife.
The Comtesse grew in beauty and exhibited a pleasing wit. She was looked upon with admiration by all. Taking herself in charge, she was imperceptibly cured of her jealousy and her passion. She became the intimate friend of the Princesse de Neuchâtel. Young and beautiful, this princess was the widow of the prince of the same name, and who, endowed with this title, was permitted to enjoy the most brilliant and elevated aspects of court life.
The Chevalier de Navarre, descended from the ancient sovereigns of this kingdom, was also at the time young, handsome, strong of mind and of a noble bearing, but upon whom fortune had bestowed no other gift excepting that of a high birth. He cast his eyes in the direction of the Princess de Neuchâtel, with whose mind he was acquainted, believing her to be someone capable of having the variety of violent attachment that would serve to make his fortune. It was with this in mind that he attached himself to her without being in love and attracted her inclination: he was suffered this, but found himself still far from achieving the success which he desired. His intentions had gone unnoticed by all. He had taken only one of his friends into his confidence, this friend being also the intimate friend of the Comte de Tende, who gained the consent of the Chevalier de Navarre to confide his secret to the Comte, with a view to securing his assistance in the matter concerning the Princesse de Neuchâtel. The Comte already held the Chevalier in fond regard and discussed the issue with his wife, whom he had begun to hold in greater esteem, managing to persuade her to acquiesce to their desires. The Princesse de Neuchâtel had already made known her inclination for the Chevalier de Navarre to the Comtesse. The Comtesse was subsequently instrumental in strengthening the resolve of the Princesse.
The Chevalier came to see her also. He had previously established contact with the Comtesse but, on seeing her, he was taken with a violent passion, but to which he did not at first abandon himself. He saw the obstacles that possessing feelings divided between love and ambition would throw in the way of his plan. He resisted, however, in order to succeed it was necessary to not see the Comtesse de Tende too often, but he saw her every day waiting for the Princesse de Neufchâtel. It was thus that he fell hopelessly in love with the Comtesse.
He was not able to hide his passion entirely. She perceived it and her self-regard was gratified. She felt a violent inclination for him. One day, while she was speaking to him about the great fortune he would have to marry the Princesse de Neufchâtel, he said to her in a manner which entirely declared his passion, “And do you believe, Madame, that there is no good fortune which I would rather have that of marrying this Princesse?” La Comtesse de Tende was struck by the expression in the eyes of the Chevalier and by his words. She looked at him, a silent and embarrassed confusion falling between them which was more telling than words. From that day forth, the Comtesse was in a state of agitation that afforded her no rest. She felt remorse for having stolen the heart of a man away from her intimate friend. A man that this friend was going to marry simply to be loved by him, that she was marrying to the disapproval of all and in spite of her elevated rank. This betrayal was horrifying to the Comtesse. The shame and the unhappiness associated with amorous intrigue were ever-present in her mind. She saw the abyss which was threatening to swallow her up and resolved to avoid it. Her resolve however, was not strong enough.
The princess was almost determined to marry the Chevalier de Navarre, nevertheless, she was not convinced of the passion which he had for her and, despite that which she felt for him, and the care which he took to deceive her, unravelled the lukewarm nature of his sentiments. She recounted her woes to the Comtesse de Tende. The Comtesse reassured her, but the complaints of Madame de Neuchâtel troubled the Comtesse. They caused her to see the real extent of her betrayal, which would perhaps cost her lover his fortune. She warned him about the suspicions of the Princesse de Neufchâtel, but he testified to his indifference towards all things except that of being loved by her. Nevertheless he submitted to her orders and reassured the Princess de Neuchâtel with such conviction that the Princesse made known to the Comtesse de Tende her entire satisfaction with the Chevalier de Navarre.
The Comtesse was seized by jealousy. She feared that her lover truly loved the Princesse. She perceived all the reasons that he had to love her. Their marriage, to which she had assented, filled her with horror. She did not wish, however, that he break off the attachment, and found herself in a state of cruel incertitude.
She allowed all her remorse regarding the Princesse de Neufchâtel to become clear to the Chevalier, but she resolved to hide her jealousy, believing that she had indeed done so. The passion of the Princesse was finally greater than her irresolution, and she committed herself entirely to her marriage, resolving to have the ceremony performed in secret, only declaring it when it was already accomplished. The Comtesse de Tende was present for this and believed that she might expire from the pain. On the same date as was agreed upon for the marriage ceremony there was a public ceremony, which involved her husband. She sent all her ladies in waiting along also. The Comtesse instructed that she would see no one and shut herself away in her chamber, lay down on the daybed and abandoned herself to all that is most painful in remorse and jealousy. While she was in thus engaged, she heard a secret door into her chamber opening from which the Chevalier de Navarre appeared, dressed with an elegance which was greater anything she had previously seen. “Chevalier, where are you going?” she exclaimed, “What are you looking for? Have you lost your reason? What has become of your wedding ceremony? And might I ask you to think of my reputation?”
“Do not fear for your reputation,” he replied, “no one knows I am here. My marrying the Princesse is out of the question. I am no longer concerned with my fortune; I am only concerned with your heart, Madame, and being loved by you: I renounce everything else. You have permitted me to see that you do not hate me, but you wished to hide the fact that I am fortunate enough that my marrying the Princesse would cause you pain. I have come to tell you, Madame, that I have renounced it, that this marriage would be to me a torment, and that I can live only for you. As I talk to you everyone is waiting for me, everything is ready, but I am ready to break it all off if, in doing so, I do a thing which would be agreeable to you and will be proof of my passion.”
The Comtesse let herself fall back onto the daybed from which she had half-risen and, regarding the Chevalier with eyes brimming over with love and tears, said “You wish therefore for me to die?” she said to him, “Do you believe that a heart can contain everything
which you have made me feel? To leave, because of me, the fortune which awaits you? I cannot even tolerate the thought. Go to Madame the Princesse de Neufchâtel, go to the greatness which is your destiny: you will have my heart at the same time. I will make of my remorse, my incertitude, and my jealousy, since I must admit their existence to you, whatever my feeble reason advises, but I will never permit you to see me if you do not immediately go to be wed. Go, do not waste another moment, but, for the love of me and of yourself, renounce such an unreasonable passion as that which you have testified to me, and which will steer you into horrible pains.”
The Chevalier was at first transported with the joy of knowing himself to be so truly loved by the Comtesse de Tende, but the horror of giving himself to another refreshed itself before his eyes. He wept, he was in great distress, he promised to do everything she wished, on the condition that he could come and see her again in the same place. She wished to know, before he left, how he had managed to enter her chamber. He told her that he had entrusted the matter to an equerry in her service, who had previously served the Chevalier himself. This equerry had assured his passage through the stable-yard and to the entrance of the little back staircase, which led to this chamber and also to the quarters of the equerry himself. However, the hour of the wedding was pressing upon them and the Chevalier, urged by the Comtesse de Tende, was finally prevailed upon to leave. He went, as if to the gallows, to the largest and most agreeable fortune to which a youngest, penniless son has ever been elevated.
French to English: ‘Analyse musicale et travail intellectuel’ - ‘Musical Analysis and Intellectual Work’, by Roland Barthes General field: Art/Literary Detailed field: Philosophy
Source text - French ‘Analyse musicale et travail intellectuel’ Roland Barthes
Du 17 au 23 février, a eu lieu, dans le cadre de l’IRCAM, une session de travail consacrée à la notion de temps musical. Cinq oeuvres ont été analysées par Pierre Boulez (Ligeti, Messiaen, Stockhausen, Boulez, Carter), au cours de cinq séances publiques: après chaque séance, nous nous sommes réunis, Boulez, Gilles Deleuze, Michel Foucault, des membres de l’IRCAM et quelques amis, pour discuter librement des problèmes de toutes sortes posés par ce type d’analyse. Dans une dernière séance publique, elle-même suivie de l’audition, en concert, des oeuvres analysées, nous avons tenté de faire le point, à la fois sur le temps musical (ce qu’a fait G. Deleuze), sur le principe des analyses menées par Pierre Boulez, et sur l’avenir de telles sessions.
Voici les impressions et les conclusions que j’ai tirées personellement de cette semaine de travail collectif qui réunissait – c’était là sa nouveauté, voulue par Boulez – des musiciens et des «intellectuels» (j’emploie ce mot pour aller vite).
Tout d’abord ceci: il m’est apparu tout de suite qu’en analysant, au plan même de la fabrication, le travail des compositeurs contemporains, on découvrait facilement des formes, des procedures, des effets que l’on retrouve dans d’autres arts de notre temps: l’analyse musicale, mieux encore que celle du texte ou de la peinture, nous conduit à comprendre la modernité, c’est-à-dire le temps dans lequel il nous est donné de vivre, et dont nous ne pouvons nous sentir séparés sans malaise: question vitale, donc, pour peu que nous nous intéressons aux «arts» : je veux dire aux actions que les hommes mènent sur leurs «expressions».
Autre chose : nous pensions devoir affronter une difficulté, celle d’avoir à rapprocher des langages reputes différents, venus de competences inégales. Mais ce que nous avons affronté, je crois, c’est seulement notre peur de nous sentir exclus du langage de l’autre ; et ce que nous avons compris, c’est que cette peur est en grande partie illusoire : la separation n’est pas fatale, à partir du moment où l’on ne demande pas à la parole d’accomplir toute la communication ;
souvent, le langage déplace les choses par morceaux, par détours partiels, par surprises fugitives. Un intellectual, un amateur comme moi, relativement fermé, jusqu’ici, à la musique contemporaine, s’est trouvé en quelques jours déplacé, entraîné par une autre clarté. Paradoxalement, la musique seule n’aurait peut-être pas produit ce movement : il y fallait aussi cette énergie, cette générosité de langage, qui vient des explications justes et des nominations nouvelles.
Cette année, le travail d’analyse a été fait par Boulez. Ce travail m’a frappe: annonçant, dirigeant, commentant, repentant des exemples, Boulez a su créer, cinq soirs de suite, une sorte d’action fascinante, un objet dialectique en quoi la demonstration et l’audition se modifaient l’une l’autre, selon un temps proper et tout à fait nouveau. Etait-ce du concert? de l’analyse? un plaisir? une leçon? C’était un spectacle sans hystérie, puisqu’il produisait quelque chose ; ou encore ; la jouissance même de l’intelligence (celle de l’analyste, mais aussi celle des compositeurs, et celle, corporelle, des executants) : spectacle d’autant plus souverain qu’il restait sensual : par les sons, les rhythmes, les timbres et par la vue même des gestes d’exécution, qui fait du concert un plaisir incomparable que le disque ne donne jamais.
Nous recommencerons, sans doute, sur d’autres thèmes, avec d’autres questions. Nous améliorerons nos procedures de travail ; nous chercherons notamment un rapport plus juste entre notre travail et le public ; ce rapport est difficile, car le travail intellectuel doit se mener sans theatre, mais il est nécessaire et il devra être trouvé.
LE MONDE
2 mars 1978
Sur la session de l’IRCAM sur «Le temps musical». Le titre du journal était «La peur illusoire» ; nous avons restitué le titre de Roland Barthes.
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Translation - English Often language dislocates things in chunks, by partial detours, by fleeting surprises. An intellectual, an enthusiast, such as I am, relatively closed until now to contemporary music found himself displaced, being lead by another light within several days. Paradoxically, the music alone perhaps would not have produced this movement: this energy was also necessary, this generosity of language, which comes from accurate explanations and giving names to new phenomena.
This year the analytical work was carried out by Boulez. I found his work compelling. Informing, directing, commenting, repeating examples, Boulez knew how to create, for five days in a row, a sort of fascinating action, a dialectical object in that the demonstration and the hearing modified each other in turn, in their own and totally new time. Was it a concert? Analysis? Sheer delight? A lesson? It was a spectacle devoid of hysteria, since it produced something; more specifically, the jouissance even of the intelligence (that of the analyst, but also that of the composers and the bodily intelligence of those executing the music); an event that was yet more sublime since it remained sensual; the sounds, the rhythms, the timbres and even seeing the gestures of the music-makers made the concert an incomparable delight which a record can never achieve.
We will without a doubt reconvene with other themes, other questions. We will improve our methods; we will, in particular, strive to be more in tune with the public. Such a relationship is difficult to uphold, because intellectual work should be carried out without theatrics, but it is necessary and it must be established.
Le Monde
2nd March 1978
On the subject of the IRCAM session on “Musical Time.” The title in the newspaper was “Illusory Fear.” We have resituated Roland Barthes’ own title.
French to English: Une Tempête - A Tempest, by Aimé Césaire General field: Art/Literary
Source text - French Une Tempête
Caliban: Ce n’est pas la paix qui m’intéresse, tu le sais bien. C’est d’être libre. Libre, tu m’entends !
Prospero : C’est drôle ! Tu as beau faire, tu ne parviendras pas à me faire croire que je suis un tyran !
Caliban : Il faut que tu comprennes, Prospero :
des années j’ai courbé la tête,
des années j’ai accepté
tout accepté :
tes insultes, ton ingratitude
pis encore, plus dégradante que tout le reste,
ta condescendance.
Mais maintenant c’est fini !
Fini, tu entends !
Bien sûr, pour le moment tu es encore
Le plus fort.
Mais ta force, je m’en moque,
comme de tes chiens, d’ailleurs,
de ta police, de tes inventions !
Et tu sais pourquoi je m’en moque ?
Tu veux le savoir ?
C’est parce que je sais que je t’aurai.
Empalé ! Et au pieu que
tu auras toi-même aiguisé !
Prospero, tu es un grand illusioniste :
le mensonge, ça te connaît.
Et tu m’as tellement menti,
menti sur le monde, menti sur moi-même,
que tu as fini par m’imposer
une image de moi-même :
Un sous-développé, comme tu dis,
un sous-capable,
voilà comment tu m’as obligé à me voir,
et cette image, je la hais ! Et elle est fausse !
Mais maintenant, je te connais, vieux cancer,
Et je me connais aussi !
Et je sais qu’un jour
mon poing nu, mon seul poing nu
suffira pour écraser ton monde !
Le vieux monde foire !
C’est pas vrai ? Tiens, regarde !
Toi-même, tu t’y emmerdes !
A propos, tu as une occasion d’en finir :
Tu peux foutre le camp.
Tu peux rentrer en Europe.
Mais je t’en fous !
Je suis sûr que tu ne partiras pas !
Ça me fait rigoler ta « mission »
ta « vocation » !
Ta vocation est de m’emmerder !
Et voilà pourquoi tu resteras,
comme ces mes qui ont fait les colonies
et qui ne peuvent plus vivre ailleurs.
Un vieil intoxiqué, voilà ce que tu es !
Prospero : Pauvre Caliban ! Tu le sais très bien que tu vas à ta perte. Que tu cours au suicide ! Que je serai le plus fort, et chaque fois le plus fort. Je te plains !
Caliban : Et moi, je te hais !
Prospero : Méfie-toi. Ma bonté a des limites !
Caliban : Déclamant
Shango marche avec force
à travers le ciel, son promenoir !
Shango est un secoueur de feu
chacun de ses pas ébranle le ciel
ébranle la terre
Shango Shango ho !
Prospero : J’ai déraciné le chêne, soulevé la mer,
ebranlé la montagne, et bombant ma poitrine contre le sort contraire,
j’ai répondu à Jupiter foudre pour foudre.
Mieux ! De la brute, du monstre, j’ai fait l’homme !
Mais oh !
D’avoir échoué à trouver le chemin
du cœur de l’homme, si du moins c’est là l’homme.
A Caliban
Eh bien moi aussi je te hais !
Car tu es celui par qui pour
la première fois j’ai douté de
moi-même.
S’adressant aux Seigneurs
…Mes amis, approchez : Je vous fais mes adieux. Je ne pars plus. Mon destin est ici : Je ne le fuirai pas.
Antonio : Quoi, Seigneur !
Prospero : Comprenez-moi bien.
Je suis non pas au sens banal du terme,
le maître, comme le croit ce sauvage,
mais le chef d’orchestre d’une vaste partition :
cet île.
suscitant les voix, moi seul,
et à mon gré les enchaînant,
organisant hors de la confusion
la seule ligne intelligible.
Sans moi cette île est muette.
Ici donc, mon devoir.
Je resterai.
Translation - English A Tempest by Aimé Césaire
Caliban: It’s not peace I’m interested in and you know it. It’s freedom I want. Freedom do you hear?
Prospero: It’s funny you know, you can try, but you’ll never manage to make me believe I’m a tyrant!
Caliban: There’s something you need to understand, Prospero:
for years I’ve bent the knee,
for years I’ve put up with you
put up with everything:
your insults, your ingratitude
and still worse, more degrading than everything else,
your condescension,
but I’ve had enough!
Enough do you hear?
Of course, for the moment you are still
stronger.
But I laugh in the face of your strength,
and your dogs too,
and your police, and your inventions!
And do you know why I’m laughing?
Do you want to know?
Because I know that I’m going to be the death of you.
Impaled! Yes, that’s how it will be.
And on a stake you’ve sharpened yourself!
Impaled by your own hands!
Prospero, you are nothing but an illusionist:
Lies are your friends.
And you have told me so many lies,
lies about the world, lies about myself,
you have forced me to
see myself a certain way:
Underdeveloped, ‘Filth as thou art’, in your words,
Incapable, ‘A thing most brutish’
Look how you have made me see myself,
I hate this image! It’s false!
But now I know what you are, vile cancer,
and I also know myself!
And I know that one day
my naked fist, my one naked fist
will be enough to crush your world!
The old world is falling apart!
You think I’m lying? Here, look at
yourself. You’re bored out of your mind!
By the way, you have the power to end it all:
You can get the hell out!
You can go back to Europe.
As if that would ever happen!
I’m sure that you won’t leave!
You make me laugh with your “mission”,
your “vocation”!
Your vocation is to bore me senseless!
And do you know why you’ll stay?
Because you’re like all the rest of the colonisers
who can’t live anywhere else anymore.
An old addict, that’s what you are.
Prospero: Poor Caliban! You know very well that you are heading for your own destruction; that you are running towards suicide! You know that I will be the strongest, and the strongest every time. I pity you!
Caliban: And I hate you!
Prospero: Take care, my goodness has limits.
Caliban: Declaiming...
Shango marches with strength
across the sky, his covered way!
Shango is a fire-shaker
each of his steps makes the sky tremble
makes the earth tremble
Shango Shango ho!
Prospero: I’ve up-rooted the oak, stirred up the sea,
shaken the mountains and, bearing
my breast to contrary fate,
met the lightning of Jupiter with lightning.
And yet more! Of a brute, of a monster I have made man!
But oh!
To have failed to find the path to the heart of man, if that is really where man can be found.
To Caliban...
As for me, I hate you too!
For you are the one who for
the first time made me doubt
myself.
Adressing the Gentlemen
...My friends, come closer: I am going to bid you all farewell. I no longer intend to leave. My destiny is here : I won’t flee from it.
Antonio: My good man!
Prospero: You must understand,
I am not, in the ordinary sense of the term,
the master, as this savage believes,
but the conductor of a vast musical score :
this island.
Rousing the sound and sweet airs, me, only me,
putting them together at my will,
organising without confusion,
the only intelligible line.
Without me, who else would be able
to draw music
out of all this?
Without me, this island is dumb.
It is my duty.
I will stay.
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