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English to French: Revisiter la théorie de la discrimination de l’ami et l’ennemi de Carl Schmitt. Controverse sur l’identité de l’ennemi face au mouvement jihadiste Boko Haram à l’Extrême-Nord du Cameroun General field: Science Detailed field: Government / Politics
Source text - English Revisiter la théorie de la discrimination de l’ami et l’ennemi de Carl Schmitt. Controverse sur l’identité de l’ennemi face au mouvement jihadiste Boko Haram à l’Extrême-Nord du Cameroun
Par Claude Abé
Contexte et objet de l’étude
La présente étude porte sur la controverse née de la détermination de l’identité de l’agresseur du Cameroun depuis l’année 2013 dans la région de l’Extrême-Nord au niveau du corridor frontalier avec la République fédérale du Nigéria. Quand l’autorité politique désigne Boko Haram comme l’ennemi, c’est-à-dire l’agresseur, du Cameroun dans cette guerre à partir de mai 2014, en précisant qu’il s’agit d’une secte jihadiste installée dans le Nord-Est du Nigéria et opérant à partir de cette position pour nuire la quiétude des populations camerounaises en menaçant l’intégrité territoriale du Cameroun, les choses sont précises : il s’agit d’une hostilité provenant de l’extérieur du territoire national qui prend la forme d’une guerre asymétrique. Lorsque les acteurs sociopolitiques internes parlent du même Boko Haram comme ennemi des mêmes troubles sécuritaires, l’identité de cet ennemi désigné prend d’autres contours car il s’agit tantôt d’un système partisan interne à la société camerounaise qui tend à faire usage de la ruse pour masquer son « engagement politique intensif » (C. Schmitt, 1992 : 218) en vue du recours à la violence pour une action insurrectionnelle tantôt il est question d’un complot de la France, l’ancienne puissance coloniale, contre le régime en place qui prend aussi les allures d’un système partisan.
Parmi les membres de la classe gouvernante, c’est le Président de l’Assemblée nationale du Cameroun à travers son discours d’ouverture de la session ordinaire de juin 2014, soit juste moins d’un mois après la déclaration du Chef de l’Etat à Paris, qui a été le premier à jeter le pavé dans la marre. Selon lui, Il y aurait « des fossoyeurs de la patrie, des traitres à la nation », de véritables complices de Boko Haram qui « sont parmi nous[les Camerounais eux-mêmes], les uns tapis dans l’ombre, les autres très actifs mais dans l’hypocrisie, faisant semblant d’apporter leur aide aux autorités, leur objectif étant de brouiller les pistes, certainement pour mettre le pays à feu et à sang ».
C’est à la même opération de substitution de l’ennemi désigné par les autorités officielles avec requalification de l’« horizon d’hostilité » (J.-C. Monod, 2016 : 68) que l’on a assisté le 31 août 2014 à Obala dans le département de la Lékié (région du Centre) de la part de militants du Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (parti au pouvoir et auquel M. Biya préside aux destinées) conduits par leur camarade, M. Henri Eyébé Ayissi, alors ministre délégué chargé du Contrôle Supérieur de l’Etat. La seule différence avec la déclaration de M. Cavayé c’est la précision au sujet de l’identité de l’ennemi intérieur en indexant les « complices de Boko Haram, principalement dans les régions septentrionales du Cameroun ». Outre qu’avec cette position, l’enjeu régional des rapports Nord-Sud pèse désormais « sur la perception, au moins potentielle, du conflit » (J.-F. Bayart, 1986 : 7), l’appel d’Obala se pare ainsi d’un habillage symbolique de défense de l’ordre constitutionnel. En se présentant comme une dynamique de défense de l’ordre constitutionnel ayant validé l’élection de M. Biya, il contribue à son affirmation comme modalité exclusive d’organisation de l’accès au pouvoir contre la force que tendrait à imposer la logique insurrectionnelle comme modalité d’accession à la magistrature suprême tout en remettant au goût du jour le conflit Nord-Sud.
Ce qui intrigue davantage dans cette prise de distance vis-à-vis de la ligne officielle de la part de ces acteurs politiques, c’est le concours d’allégeance à l’égard du chef de l’Etat et d’affichage de la loyauté envers son régime dans lequel ils disent être engagés au même moment comme l’indique leur implication dans la prise en charge rituelle de cette crise sécuritaire, notamment à travers la collecte des dons, pour soutenir le même président dans son action contre le Boko Haram désigné par lui comme ennemi. Cette contradiction apparente n’est intelligible que si l’on estime être en présence du désir mimétique auquel la désignation du bouc émissaire donne lieu (R. Girard, 1982). Le désir mimétique est une controverse entre deux subjectivités engagées dans une construction de leurs identités à partir de la possession d’une chose devenue objet du désir d’être et espace de médiation pour toute existence possible. Il est ainsi clair que ces sorties des personnalités du régime en place n’expriment pas qu’un engagement à accompagner le Président Biya dans ce moment critique de prise de décision stratégique. C’est plutôt aussi l’ouverture d’un agenda politique autre touchant à la circulation des élites à la tête de l’Etat et au mode d’unification des régions dans l’entreprise de cette conquête politique de l’hégémonie. Sous le prétexte d’un concours à la désignation de l’ennemi derrière Boko Haram, cette controverse invite à porter l’attention sur l’esprit de corps, notamment à ses altérations, au sein du « Groupement monopolistique défini par l’appropriation exclusive » (P. Bourdieu, 1994 : 192) du pouvoir au Cameroun par l’alliance hégémonique entre le Nord et le Sud de leurs sens large (voir J.-F. Bayart, 1986). Dès lors, cette controverse devient un opérateur clef qui permet l’accès à l’intelligence de la prétention à la circulation des élites au sein de cette alliance ainsi que celle de leurs positions sous l’effet de la médiation de la crise sécuritaire qui rend visible un nouvel « assemblage qui accélère et intensifie l’agencement dans une direction donnée avec des effets dynamiques et imprévisibles » (V. Tournay, 2011 : 68). Dynamiques parce que les prétentions des protagonistes semblent appeler à la reproduction de l’alliance mais à partir d’un réarrangement dans lequel les marginaux d’hier s’émancipent de la périphérie.
Dans ce sens, l’affichage d’allégeance de chacun de ces dissidents à la présence du président Biya serait une tactique de positionnement pour sa succession. Un tel affichage d’allégeance, tout en étant dans la contestation de la cible désignée par la parole officielle, s’inscrit donc dans « une logique de contrôle de gestion » (H. Penan, 2010 : 345) par les élites au pouvoir de l’incertitude politique suscitée par la peur des lendemains liée à l’imminence réelle ou fantasmée de la fin de règne de M. Biya, président actuel du pays. Cette lecture paraît cohérente quand on garde à l’esprit que la souveraineté est détenue par « l’unité sociale […] à qui appartient la décision en cas de conflit et qui détermine le regroupement décisif entre amis et ennemis » (C. Schmitt, 1992 : 81). Or, avec la quête de sens à partir de la désignation d’un bouc émissaire, l’on procède au déplacement du « lieu de la décision » (E. Tuchscherer, 2003 : 30) du délégué ayant la compétence sociale pour discriminer l’ami de l’ennemi du Cameroun dans la crise sécuritaire de la région de l’Extrême-Nord vers les acteurs qu’il est censé gouverner. C’est cette dépossession inhabituelle et non-instituée de la délégation qui constitue le problème auquel cette étude s’intéresse tout en portant attention au rapport à la confiance en situation d’incertitude généralisée . Cette controverse au sujet de l’identité de l’ennemi exprime donc un processus de politisation de la quête de sens en face de la violence du religieux perpétrée par Boko Haram qui cache mal la guerre des prétendants alors même qu’ils ne font que fantasmer l’imminent départ de M. Biya, 34 ans déjà au pouvoir, et qu’une opinion voit déjà dans un linceul à cause de son âge avancé (84 ans). Tout ceci se double de la sacralisation de la prise en charge de cette crise sécuritaire puisque l’on a recours aux rites du don et du bouc émissaire. Cette étude prend cette controverse comme prétexte pour mettre à l’épreuve la théorie de Carl Schmitt sur la discrimination de l’ami et de l’ennemi.
Il convient cependant de signaler que si les recherches revisitant la théorie de Carl Schmitt sur la distinction de l’ami et de l’ennemi dans leur relation à la politique ne manquent pas aujourd’hui (J.-C. Monod, 2016 ; C. E. Roques, 2009 ; Balakrishman, 2006), elles ne sont pas sorties des sentiers battues tracées par l’auteur de cette théorie qui n’avait pas imaginé qu’elle pouvait servir de « clef à l’analyse de l’activité politique, mais simplement un instrument de diagnostic » (G. Boulanger, 2011 : 497), notamment pour rendre compte de l’imagination de l’alternance politique par une classe gouvernante en proie à une crise de confiance générée par une double incertitude à la fois sur son devenir propre, celui du respect des alliances aussi comme celle Nord-Sud, et sur l’identité de l’agresseur de leur pays. Cette internalisation de l’approche du politique à partir de la distinction de l’ami et l’ennemi apparaît heuristiquement féconde à double titre : d’abord pour donner une seconde vie à la théorie schmittienne, ensuite pour l’ouvrir à la confrontation à d’autres terrains de recherche en apparence éloignés telles l’anthropologie mimétique, la sociologie de l’innovation et celle des processus de discrimination entre acteurs politiques engagée dans la concurrence de positionnement.
De la sorte, si le projet assumé c’est celui de revisiter la théorie schmittienne de la discrimination de l’ami et de l’ennemi pour penser le jeu politique en termes de rivalité, il s’agit surtout de faire passer la portée heuristique de cette perspective des dynamiques du dehors - relatives à l’extérieur de la structure- qui font davantage référence à l’hostilité interétatique (C. Schmitt, 1992 : 44), c’est-à-dire entre ordres politiques distincts, à celles du dedans dont le référentiel est la compétition ou la concurrence entre acteurs à l’intérieur d’une structure donnée ou d’une configuration pour l’accès au pouvoir. Contrairement à ce que pensait Carl Schmitt, l’ennemi peut aussi être conceptualisé ici dans le sillage des catégories laissées de côté par lui, celles du concurrent (économique) ou du méchant (moral).
II.- Objectifs et intérêts de l’étude
De ce qui précède, l’on constate que l’objectif de cette étude est double. Il s’agit, d’une part, de rendre compte de la vulnérabilité du cadre d’interprétation officielle de la crise sécuritaire née de l’agression de Boko Haram aux référentiels interprétatifs des acteurs en embuscade pour la succession à la tête de l’Etat au Cameroun et, de l’autre, de retrouver les usages du bouc émissaire, leur portée ainsi que leurs sens derrière le vécu de l’incertitude politique annoncée par les divers protagonistes de la controverse de manière à exhumer les récits de l’alternance au pouvoir qu’ils élaborent à travers le travail de la désignation de l’ami et de l’ennemi face à Boko Haram dans l’Extrême-Nord. De la sorte, si le projet assumé c’est celui de revenir sur la pertinence de la mobilisation de la théorie schmittienne de la discrimination de l’ami et de l’ennemi pour penser le jeu politique en terme de rivalité, il s’agit surtout de faire passer la portée heuristique de cette perspective des dynamiques du dehors - relatives à l’extérieur de la structure- qui font davantage référence à l’hostilité interétatique (C. Schmitt, 1992 : 44), c’est-à-dire entre ordres politiques distincts, à celles du dedans dont le référentiel est la compétition ou la concurrence entre acteurs à l’intérieur d’une structure donnée ou d’une configuration pour l’accès au pouvoir à travers un travail visant un assemblage nouveau des humains et des non-humains. En somme, l’on se propose de faire avec Carl Schmitt sans lui-même, c’est-à-dire sans le suivre dans l’absolu car dans sa perspective, l’ennemi ne saurait exister dans les limites du territoire d’un Etat à moins que celui-ci soit théorisé comme partisan ou que ne soit réuni sous ce vocable les acteurs « [des] intrigues de cours, [des] rivalités, [des] frondes et [des] tentatives de rébellion des malcontents, bref des « troubles » » (1992 : 43). D’ailleurs, il a lui-même soupçonné une telle possibilité à condition de la justifier (1992 : 43) comme c’est le cas dans la présente étude.
Cela paraît davantage envisageable que l’on sait à la suite des travaux de Pierre Clastres que la logique de la politique extérieure correspond en toute exactitude avec celle de la politique intérieure (voir P. Clastres, 2013 : 23). A la différence donc de Carl Schmitt qui a écarté tout lien avec l’économique et le moral pour garantir l’autonomie du politique et qui limitait la conceptualisation de ce dernier à l’articulation d’une hostilité tournée exclusivement au dehors vers l’ennemi extérieur ou d’origine externe, Pierre Clastres soutient qu’une attention singulière au fonctionnement de la société primitive permet en plus de penser le politique à partir d’une guerre orientée vers l’ennemi intérieur (2013 : 23). C’est aussi ce que l’on retrouve dans la conceptualisation du politique faite par Réné Girard au moyen de la régulation du désordre (ou de l’insécurité ) à partir de la désignation du bouc émissaire. Contrairement à ce que pensait Carl Schmitt, l’ennemi peut aussi être conceptualisé ici dans le sillage des catégories laissées de côté par lui, celles du concurrent (économique) ou du méchant (moral). La société primitive articule la gestion de la cité autour de la préservation de la sécurité du groupe qui consiste en la préservation de son indivision en dedans mais aussi vis-à-vis du dehors . De la même manière que l’envisage Carl Schmitt, ici aussi le politique se ramène à l’établissement des liens contre (G. Boulanger, 2011 : 497) la division en interne pour préserver le corps social de toute perte d’autonomie sur sa direction en raison de l’apparition de la centralisation et contre toute hostilité d’origine externe. Dans cette dernière perspective, l’articulation du politique est une réponse à une situation où « l’intensité de l’hostilité est assez forte pour fédérer au-delà de leurs inimitiés particulières, l’hostilité vis-à-vis d’une autre nation est ce qui permet d’instaurer l’ordre et la paix à l’intérieure d’une société » (G. Boulanger, 2011 : 497). La gestion de la cité passe par la maîtrise de la cohésion du groupe pour sécuriser son territoire, son identité collective, d’une part et, de l’autre, par celle de l’exclusivité de l’exercice de l’autorité par ledit groupe social dans cet espace lui servant de territoire (P. Clastres, 2013 : 23). Cette possibilité de traiter du rapport du politique à l’économique et au moral à partir d’une perspective renouvelée de la théorie schmittienne de la discrimination de l’ami et l’ennemi n’excluant pas l’autonomisation malgré son commerce fécond avec ces autres sphères de l’activité sociale constitue le caractère innovant du présent projet ainsi que son ambition de penser les transformations du lien, notamment entre les membres de l’alliance hégémonique, comme conséquence d’un sentiment d’incertitude né de la crise de confiance qui à son tour met en évidence le travail d’intégration sociale à partir de la mobilisation de l’incertitude.
De manière additionnelle, l’on entend rendre compte des variations de la confiance provoquées par le vécu de l’incertitude par l’élite gouvernante en référence à l’histoire politique du Cameroun postcolonial qui veut que le pouvoir se pense dans le registre du paradigme du don . Dans ce sens, l’étude envisage aussi d’évaluer l’état du bloc hégémonique au pouvoir au Cameroun et d’interroger à nouveau la thèse affirmant que la quête de domination dans ce pays repose « sur un processus d’assimilation réciproque et de fusion des groupes dominants anciens et des nouvelles élites » (J.-F. Bayart, 1985 : 19). Avec cette perspective, l’alliance prend un aspect fusionnel écartant toute compétition avec ce que cela possède de conflictualité en raison de l’articulation de l’intérêt individuel dans un groupe structuré par la confiance et la solidarité en celle-ci. A rebours de cette thèse de Jean-François Bayart sur le fonctionnement de la classe dirigeante au Cameroun, la perspective envisagée c’est qu’aucune alliance n’est fusionnelle pas plus que l’articulation de l’esprit de corps au sein d’un groupe n’exclut la compétition entre ses membres. L’on entend ainsi montrer que bien qu’il puisse exister des individus solidaires en raison d’un intérêt collectif, il n’existe pas d’alliance comme « Il n’y a pas d’ordre social sans questions litigieuses » (M. Douglas, 2004 : 57). L’expression de la loyauté au groupe n’exclut donc pas une lutte de positionnement dans le champ politique, c’est-à-dire la quête d’un intérêt individuel figurant « une économie du don » faisant référence « à des systèmes de relations à la fois symboliques, interpersonnelles et économiques » (M. Douglas, 2004 : 214). Et dans la mesure où les conflits demeurent des effets de structure, il paraît vain d’opposer les deux démarches. Ainsi, l’on se propose de vérifier que la réalité d’une lutte entre les membres de la classe dirigeante pour des positions de pouvoir figurant la concurrence des modes d’existence des entités collectives qui compose l’alliance hégémonique n’est pas contradictoire avec l’existence de la solidarité sur la continuité. Il en est symptomatique que cette étude procède de l’hypothèse qu’au lieu que la controverse au sujet de l’identité de l’ennemi et du bouc émissaire débouche sur la fragmentation et l’éclatement de l’alliance hégémonique au pouvoir au Cameroun, elle a contribué à la renforcer tout en mettant en évidence l’expression de logiques d’action inédites attestant d’une compétition permanente entre élites gouvernantes au sujet de l’accès au pouvoir. A titre illustratif, tous les acteurs de la controverse ont signé une motion de soutien au Chef de l’Etat dans le cadre de la lutte contre Boko Haram.
III.- Problématique et hypothèses
L’idée défendue par ce projet c’est qu’il existe au Cameroun des luttes politiques qui s’organisent autour de la désignation de l’identité de l’ennemi Boko Haram qui puisent leur énergie de la volonté de puissance qui s’exprime à travers les usages publics que les uns et les autres font du bouc émissaire en se plaçant en porte-à-faux avec la position de celui à qui est officiellement reconnu « le monopole des instruments de production des intérêts politiques, c’est-à-dire politiquement exprimés et reconnus » (P. Bourdieu, 2001 : 217). Il s’agit alors de déterminer comment, en fonction de leurs positions et intérêts ces acteurs sociaux se muant en « « entrepreneurs de mémoire » » (voir G. Noiriel, 2007 : 8) ou plus précisément en entrepreneurs d’imaginaire s’affrontent sur le terrain du traitement rituel de la crise sécuritaire provoquée par les attaques de Boko Haram à l’Extrême-Nord, notamment au sujet la détermination de la victime sacrificielle. De la sorte, l’objectif de la présente étude est de retrouver les logiques et visées politiques à l’œuvre derrière la désignation du bouc émissaire de manière à dégager le sens que prennent les luttes politiques suscitées par le contexte d’incertitude autour de la succession à la tête de l’Etat elle-même innervée par un climat de suspicion généralisée de l’instrumentalisation du jihadisme de Boko Haram dans la manœuvre pour la maîtrise de cette fluidité institutionnelle (voir M.-E. Pommerolle, 2015).
A quoi sert la désignation de l’ennemi sous la forme d’un bouc émissaire dans un contexte d’incertitude autour de la succession à la tête de l’Etat exacerbé par le désaccord des acteurs sociopolitiques au sujet de l’identité de l’ennemi du Cameroun dans la crise sécuritaire officiellement imputée aux attaques de la secte jihadiste Boko Haram dans la région de l’Extrême-Nord ? Plus précisément, eu égard aux positions et intérêts (inhérents au contexte) des différents acteurs de la scène publique, à quoi renvoie la contradiction affichée entre leur prise de distance avec la thèse officielle et leur engagement à l’articulation de la solidarité au Président de la République ainsi qu’aux victimes et aux forces de défense à travers l’adhésion collective, quasi mécanique, à un traitement rituel (don et bouc émissaire) de l’insécurité ainsi qu’à la politisation (ennemi de l’intérieur et ennemi de l’extérieur) de la violence du religieux ?
Quatre hypothèses peuvent être envisagées ici :
1)-.La crise sécuritaire provoquée par la spatialisation de l’insécurité perpétrée depuis le Nigéria par la secte islamiste Boko Haram jusqu’à l’Extrême-Nord du Cameroun se situe au point de croisement et d’entrée en compétition d’une constellation d’intérêts qui dépassent l’enjeu du moment, celui de la protection de l’intégrité du territoire camerounais et de la garantie de la sécurité des populations qui y vivent, pour s’ouvrir sur le sentiment de malaise vécu par les élites au pouvoir en face de l’incertitude des lendemains suscitée par l’imminence réelle ou fantasmée de la fin de règne du président actuel du Cameroun.
2)-Les points de vue s’inscrivant en porte à faux de la désignation officielle de l’ennemi par le pouvoir expriment un effort de traduction de la crise sécuritaire provoquée par Boko Haram en conflit domestique autour de la régulation de la circulation des élites ayant une résonnance régionaliste d’une part, au sens où il oppose des élites d’une même région en compétition pour un leadership politique à l’échelle locale ayant valeur de ressource symbolique significative au niveau de la scène politique nationale et, de l’autre, au sens de la remise en cause des trajectoires de reproduction de l’alliance hégémonique entre élites politiques appartenant à des projets régionalisés d’unification d’entités politiques collectives faisant bloc face à d’autres de nature similaire. Derrière les compétitions entre acteurs sociopolitiques pour la désignation de l’ennemi se dévoilent les formes d’hostilité objectives ou imaginaires (bouc émissaire) et les lignes de capitalisation politique du désordre, notamment de la crise sécuritaire induite des attaques de Boko Haram, pour tenter de résoudre l’incertitude liée au lendemain du départ fantasmé du président actuel du pouvoir.
3)-La désignation de l’ennemi fonctionne dans le contexte du Cameroun comme un travail symbolique de la société sur elle-même qui présente une double face en même temps qu’il s’accompagne d’une double production du sens, une face focalisée vers l’extérieur, le champ relationnel international, attestant d’une déclaration d’hostilité à l’encontre d’une cible n’excluant cependant pas l’exploitation de ladite inimitié pour réchauffer ou nouer des liens d’amitié (cas des autorités au pouvoir) et l’autre face orientée vers l’intérieur, l’espace politique national, qui confond dans un même acte la détermination d’un bouc émissaire et la convoitise d’un capital sociopolitique transformable en rite d’institution ayant valeur de confirmation ou d’amélioration d’une position.
4)-L’attention pour les usages du bouc émissaire dans ce contexte permet de dire que sous l’angle objectif, l’hostilité est une résultante de la modernité fluide (et donc de la globalisation) tandis que sous son aspect imaginaire, elle procède des luttes d’hégémonie, celle de la France sur le Cameroun, ou de prétentions d’acteurs domestiques à l’hégémonie soit à l’échelle intra-régionale soit à celle externe à cette dernière, notamment entre sudistes et nordistes ; du point de vue de la vie politique domestique, la désignation du bouc émissaire est la preuve qu’on est en face de l’ouverture d’un espace de luttes autour de l’accès au pouvoir ayant pour enjeu la régulation, d’une part, de la circulation des élites et, de l’autre, la crise de l’esprit de corps au sein de la classe dirigeante ou de l’alliance hégémonique.
IV.- Méthodologie
L’étude se propose d’intégrer dans un même dispositif méthodologique les apports de la sociologie de la traduction, de l’anthropologie mimétique et la sociologie des processus de discrimination conceptualisée par Norbert Elias à partir de l’analyse configurationnelle entre établis et marginaux.
Le recours à l’interactionnisme symbolique, notamment à l’analyse des cadres de l’expérience permettra d’étudier la controverse retenue dans la perspective des conflits de cadre (E. Goffman, 1991 : 314-327) en mettant en lumière la compétition de référentiels d’interprétation (B. Jobert, 1992 : 220) de la situation provoquée par l’agression de Boko Haram ayant une prétention à la vérité.
Elle permet de rendre compte de l’usage instrumental du bouc émissaire par les participants à la controverse en mettant au centre de l’analyse la mise en scène du désir mimétique (R. Girard, 1972 : 213-248). Ce dernier repose sur une démarche d’identification de soi à autrui qui se veut à la fois imitative et stigmatisante du modèle imité tout en convoitant ce que ce dernier possède. La relation de fascination triangulaire met en scène au moins deux individus et un objet dont la possession est postulée comme le fondement de la subjectivation. La rivalité ou concurrence existentielle entre le désirant et l’autre qu’il désire être passe par une compétition entre eux focalisée autour de l’objet du désir (voir C. Jaffrelot, 2007 : 232). Si le désir est celui de l’objet possédé par l’autre, il faut cependant d’abord savoir que tout désir est désir d’être et les choses fonctionnent de telle manière que chaque désir est l’imitation du désir d’un autre qui fascine et envers qui l’on n’éprouve que ressentiment (R. Girard, 2013 : 110). Tout ceci suggère que le recours à l’anthropologie mimétique permettra d’interroger les enjeux en creux autour de cette controverse au-delà des prétentions discursives à la détention de la vérité sur l’identité de l’ennemi derrière Boko Haram.
Ces enjeux prennent la forme de l’expression d’un désir d’être, lui-même porté par le désir de quelque chose en relation avec la circulation des élites, qui instruit le passage de l’intelligence du politique par une socio-anthropologie du désir ou des passions (D. Le breton, 2004) du pouvoir.
Pour collecter les données, l’on se propose de recourir à la recherche documentaire dans les divers écrits portant une trace de la controverse à l’instar des journaux ou des émissions. Compte tenu de l’actualité de l’objet d’étude, l’observation directe constitue un précieux outil de recherche au même titre que les récits et les entretiens ciblés. L’étude se donne pour but de rechercher, retrouver les entrepreneurs de manœuvre et leurs victimes, reconstruire et saisir les investissements de forme, les intermédiaires, les discours, le sens et la portée desdites opérations pour rendre compte de l’appropriation domestique de la crise sécuritaire provoquée par Boko Haram dans l’Extrême-Nord du Cameroun.
Translation - French Revisiting Carl Schmitt's friendship and enmity discrimination theory Controversy over the enemy's identity in the face of the jihadist movement, Boko Haram, in the Far North region of Cameroon.
By Claude Abé
Context and purpose of the study
The current study deals with the controversy arising from the determination of the identity of the aggressor of Cameroon since the year 2013, in the Far North Region in the border corridor with the Federal Republic of Nigeria. When the political authority points at Boko Haram as being the enemy, that is to say the aggressor of Cameroon in this war from May 2014, specifying that it is a jihadist sect settled in the North-East Nigeria and which, from this position, undermines the tranquillity of Cameroonian populations by threatening the territorial integrity of Cameroon, things become clearer: it is an act of hostility coming from outside the national territory which takes the form of an asymmetrical war. When the internal sociopolitical actors speak of the same Boko Haram as an enemy of the same security unrest, the identity of this designated enemy takes on other twists and turns as it is sometimes a partisan system within the Cameroonian society which tends to use tricks to conceal its "intensive political commitment" C. Schmitt, 1992: 218) with a view to resorting to violence for insurgent action, sometimes there is talk of a plot by France, the former colonial power, against the existing regime, which also takes the form of a partisan system.
Among the members of the governing class, it is the President of the National assembly of Cameroon, through his opening speech during the ordinary session in June 2014, just less than a month after the declaration of the Head of State in Paris, the first to make waves with it. According to him, there could be "gravediggers of the homeland, traitors to the nation ", absolute accomplices of Boko Haram who"are among us [the Cameroonians themselves], some of them crouching in the dark, others very active but hypocritical, pretending to bring their help to the authorities, with the aim to create confusion, certainly to plunge the country into a bloodbath".
It is to the same operation of substitution of the enemy designated by the official authorities with requalification of the" hostility horizon" (J.-C. Monod, 2016 : 68) that was performed on 31 August 2014 in Obala, in the Lékié division (Centre Region) by the activists of the Cameroon People's Democratic Movement (the ruling party, the destiny of which is presided over by Paul Biya) led by their comrade of the party, Mr Henri Eyébé Ayissi, Minister Delegate in charge of the Higher Audit of State Bodies The only difference with Mr Cavayé's statement is the clarification of the identity of the internal enemy as he pointed an accusing finger on"the accomplices of Boko Haram,mainly in the northern regions of Cameroon". Apart from this position, the regional stake in North South relations henceforth weighs " on at least the potential perception of the conflict (J.-F. Bayart, 1986 : 7), the call of Obala is thus adorned with a symbolic dressing of the defence of the constitutional order. By presenting itself as a dynamic in the defence of the constitutional order that validated the election of Mr Biya, it contributes to its affirmation as a an exclusive modality for organising access to power against the force that rebellious logic would tend to impose as a modality of accession to the supreme magistracy, while bringing the North South conflict up to date.
What baffles more in the fact that these political actors keep their distance from the official political line is that they contest in pledging allegiance to the Head of State and display loyalty to his regime to which they say they are committed at the same time, as indicated by their involvement in the ritual management of this security crisis, especially through their collection of donations to support the same president in his fight against Boko Haram he designated as the enemy. This apparent contradiction is intelligible only if one considers that one is in the presence of the mimetic desire to which the designation of the scapegoat gives rise (R. Girard, 1982). Mimetic desire is a controversy between two subjectivities engaged in the construction of their identities starting from the possession of a thing that has become the object of desire to be and the space of mediation for any possible existence. It is therefore clear that the activities of these personalities of the ruling party do not express only their commitment to support President Biya at this critical moment of strategic decision-making. Rather, it is the opening up of a different political agenda related to the movement of elites at the helm of the State and the way in which the regions unite in the process of conquering political hegemony. Under the pretence of a contest in designating the enemy behind Boko Haram, this controversy calls on us to focus our attention on the esprit de corps, and particularly to its changes within the "Monopolistic Grouping defined by the exclusive appropriation" (P. Bourdieu, 1994: 192) of power in Cameroon through the hegemonic alliance between the North and the South, in their broader meaning (see J.-F. Bayart, 1986). Hence, this controversy becomes a key operator which allows access to the understanding of the elites' claim for movement within this alliance as well as that of their positions under the effect of the mediation of the security crisis which unveils a "combination which accelerates and intensifies the arrangement in a given direction with dynamic and unpredictable effects" (V. Tournay, 2011: 68). Dynamic because the protagonists' pretensions seem to call for the reproduction of the alliance, but from a rearrangement in which the marginals of yesterday become emancipated from the periphery.
In this sense, the display of allegiance by each of these dissidents in the presence of President Biya could be a tactic of positioning for his succession. Such a display of allegiance, while at the same time contesting the target designated by the official speech, is therefore within the scope of "a logic of management control " (H. Penan, 2010: 345) by the elites in power of the political uncertainty created by the fear of tomorrow due to the real or imaginable imminence of the end of the reign the current President of the country, Mr Biya. This reading appears coherent when one keeps in mind that sovereignty is held by "social unity […] to whom the decision in case of conflict belongs and which determines the decisive grouping between friends and enemies" (C. Schmitt, 1992: 81). However, with the quest for meaning from the designation of a scapegoat, the "place of decision" (E. Tuchscherer, 2003: 30) of the delegate with the social competence to distinguish between a friend and an enemy of Cameroon in the security crisis in the Far-North region is shifted towards the actors he is supposed to govern. It is this unusual and non-instituted dispossession of the delegation that constitutes the problem this study is interested in, while also paying attention to the relationship to trust in a situation of generalised uncertainty . This controversy about the identity of the enemy hence expresses a politicisation process of the quest for meaning in the face of religious violence perpetrated by Boko Haram which hardly conceals the war among the pretenders whereas they merely fantasise about the imminent departure of Mr Biya, 34 years already in power and that a certain opinion already sees in the shroud because of his advanced age (84 years). All of this is coupled with the fact that the management of this security crisis is made sacred, since the donations and scapegoat rites are used. This study takes the controversy as a pretext to test Carl Schmitt's theory of the discrimination between friend and enemy.
It is advisable to point out that, while researches revisiting Carl Schmitt's theory on the distinction between friend and foe in their relationship to politics are not lacking today (J.-C. Monod, 2016 ;C. E. Roques, 2009 ;Balakrishman, 2006), they failed to go out of the beaten tracks open up by the author of this theory who did not imagine that it could serve as a "key to the analysis of political activity, but simply as a diagnostic tool" (G. Boulanger, 2011 : 497), especially to account for the imagination of political alternation by a ruling class in the midst of a crisis of trust generated by a double uncertainty both on its own future, that of respecting alliances such as that between the North and the South, and on the identity of the aggressor of their country. This internationalisation of the approach to politics by distinguishing the friend from the enemy appears to be heuristically fruitful in two ways: first it gives a second life to the Schmittan theory, secondly it opens it to the confrontation with other seemingly distant research fields such as mimetic anthropology, the sociology of innovation and those of the discrimination processes between the political actors involved in a competition.
Thus, if the project concerned is that of revisiting the Schmittan theory of the discrimination between the friend and the foe to think out the political game in terms of rivalry, it is above all to shift the heuristic impact of this perspective from the external dynamics -relatively external to the structure- which refers more to the interstate hostility (C. Schmitt, 1992 : 44), that is to say between distinct political orders, to those from within, the reference of which is the contest or the competition between actors within a given structure or configuration for access to power. Contrary to what Carl Schmitt thought, the enemy can also be conceptualised here in the wake of categories he left aside, those of the (economic) or the evil (moral) competitor.
II.-Objectives and interests of the study
From the above, we note that the objective of the study is twofold. On the one hand, it is necessary to account for the vulnerability of the official interpretation framework of the security crisis that resulted from the aggression of Boko Haram to the interpretative references of actors in ambush for the succession at the helm of the State in Cameroon and, on the other hand, to rediscover the uses of the scapegoat, their scope and the meanings behind the experience of the political uncertainty announced by the various protagonists of the controversy so as to exhume the accounts of the alternation to power they elaborate through the work of the designation of the friend and the enemy in front of Boko Haram in the Far North Thus, if the project concerned is that of coming back on the relevance of the mobilisation of the Schmittan theory of the discrimination between the friend and the foe to think about the political game in terms of rivalry, it is above all to shift the heuristic impact of the perspective from the dynamics of the outside world -relating to the external structure- which refers more to the interstate hostility (C. Schmitt, 1992 : 44), that is to say between distinct political orders, to those from within the reference of which is the contest or the competition between actors within a given structure or configuration for access to power through work aimed at a new arrangement of the humans and the non-humans. In short, we propose to do with Carl Schmitt without himself, that is to say, without following him in the absolute, for in his perspective, the enemy cannot exist within the boundaries of the territory of a State unless he is theorised as a partisan or unless under this denomination are gathered actors "[of] court intrigues, rivalries, fronds and attempts at rebellion of the malcontents, in short" of the "troubles" "(1992: 43). Indeed, he himself suspected such a possibility provided that it is justified (1992: 43) as is the case in this study.
This seems to be more feasible than it is known from the works of Pierre Clastres that the logic of foreign policy corresponds exactly with that of internal politics (see P. Clastres, 2013: 23). Contrary to Carl Schmitt who dismissed any link with what was economic or social to guarantee the autonomy of politics and who limited the conceptualisation of the latter to the articulation of hostility turned exclusively to the outside, towards the external enemy or coming from outside, Pierre Clastres maintains that a singular attention to the functioning of the primitive society allows, in addition, to think out the politics from a war directed towards the internal enemy (2013: 23). This is also what is found in the conceptualisation of politics by Réné Girard who regulates the disorder (or insecurity ) through the designation of a scapegoat. Contrary to what Carl Schmitt thought, the enemy can also be conceptualised here in the wake of categories he left aside, those of the (economic) or the evil (moral) competitor. The primitive society centres the management of the city on the preservation of the security of the group which consists in the preservation of its joint possession within but also with respect to the outside . In the same way that Carl Schmitt contemplates, here also, politics comes down to the establishment of links against (G. Boulanger, 2011: 497) in-house division to preserve the social body from any loss of autonomy over the management because of the emergence of centralisation and against any external hostility. In the latter perspective, centralising politics is a response to a situation in which "the intensity of hostility is strong enough to federate, beyond their particular enmities. Hostility towards another nation is what makes it possible to establish order and peace within a society "(G. Boulanger, 2011: 497). The management of the city requires the mastery of the cohesion of the group to secure its territory, its collective identity on the one hand and, on the other hand, the exclusivity of the exercise of authority by that social group in this space serving as its territory (P. Clastres, 2013: 23). This possibility of dealing with the relation of the politics to the economics and the morale from a renewed perspective of Schmitt's theory of the discrimination between the friend and the enemy does not exclude empowerment despite its fruitful trade with these other spheres of social activity and constitutes the innovative characteristic of the present project as well as its ambition to think about the transformations of the link, especially among the members of the hegemonic alliance, as a consequence of the feeling of uncertainty resulting from the crisis of confidence which, in turn, highlights the work of social integration from the mobilisation of uncertainty.
Additionally, we intend to account for the variations of confidence caused by the experience of uncertainty by the ruling elite with reference to the political history of postcolonial Cameroon which wants power to be thought in the paradigm of donation . In this sense, the study also envisages to assess the state of the hegemonic group in power in Cameroon and questions anew the thesis that the quest for domination in this country is based on "a process of reciprocal assimilation and fusion of the old dominant groups and the new elites "(J.-F. Bayart, 1985: 19). With this prospect, the alliance takes on an exclusive aspect, avoiding all competition with the conflict it possesses because of the articulation of individual interest in a group structured by trust and solidarity in it. Contrary to this thesis of Jean-François Bayart on the functioning of the ruling class in Cameroon, the envisaged prospect is that no alliance is exclusive, nor does the articulation of esprit de corps within a group exclude competition between its members. In this way, it is shown that although there may be interdependent individuals because of a collective interest, there is no alliance just as "There is no social order without contentious issues" (M Douglas, 2004: 57). Expressing group loyalty therefore does not exclude a struggle of positioning in the political field, that is to say the quest for an individual interest represented by "a donation economy" referring "to systems of symbolic, interpersonal and economic relationships "(Douglas, 2004: 214). And insofar as conflicts remain structural effects, it seems futile to contrast the two approaches. Thus, we intend to verify that the reality of a struggle between the members of the ruling class for positions of power representing the competition of the modes of existence of the collective entities that compose the hegemonic alliance is not contradictory to the existence of solidarity on continuity. Symptomatically, this study arises out of the hypothesis that instead of leading to the break-up and fragmentation of the hegemonic alliance in power in Cameroon, the controversy over the identity of the enemy and the scapegoat has helped to reinforce it, while highlighting the expression of unprecedented logics of action attesting to a permanent competition among governing elites about access to power. By way of illustration, all the actors in the controversy signed a motion supporting the Head of State in the fight against Boko Haram.
III.- Problems and assumptions
The idea defended by this project is that, in Cameroon, there are political struggles which are organised around the designation of the identity of the enemy, Boko Haram, and which draw their energy from the will of power that is expressed through the uses that either of them make of the scapegoat in public by placing himself in an awkward position with the position of the one to whom is officially recognised "the monopoly of the instruments of production of political interests, that is to say politically expressed and recognised ones" (P. Bourdieu, 2001: 217). It is then a question of determining how, according to their positions and interests, these social actors turn into "entrepreneurs of memory" (see G. Noiriel, 2007: 8) or more precisely in entrepreneurs of imagination confronting one another on the ground of the ritual treatment of the security crisis caused by the attacks of Boko Haram in the Far North, especially on the subject of the determination of the sacrificial victim. Thus, the aim of this study is to rediscover the political logics and aims behind the designation of the scapegoat in order to reveal the meaning of the political struggles aroused by the context of uncertainty about the succession at the helm of the State, itself innervated by a climate of widespread suspicion of the instrumentalisation of the jihadism of Boko Haram in plotting to control this institutional fluidity (see M.-E. Pommerolle, 2015).
What is the purpose of designating the enemy in the form of a scapegoat in a context of uncertainty about the succession at the helm of the State exacerbated by the disagreement of the socio-political actors about the identity of the enemy of Cameroon in the security crisis that is officially attributed to the attacks of the jihadist sect Boko Haram in the Far North region? More precisely, taking into account the positions and interests (inherent to the context) of the different actors in the public arena, what do the contradictions between their distance from the official thesis and their commitment to the articulation of solidarity with the President of The Republic as well as to the victims and the defense forces through collective, quasi-mechanical adhesion to a ritual treatment (donation and scapegoat) of insecurity as well as to the politicisation (enemy from the interior and enemy from outside) of tthe violence of the religious refer to?
Four hypotheses can be considered here:
1) -The security crisis caused by the spatialisation of the insecurity perpetrated from Nigeria to the Far North of Cameroon by the Islamist sect Boko Haram is at the crossroads and entry into competition of a constellation of interests that go beyond what is at stake at the moment: protecting the integrity of Cameroon's territory and guaranteeing the safety of the people living there. This opens up to the feeling of embarassment experienced by the elites in power facing the uncertainty of tomorrow aroused by the real or fantasized imminence of the end of the reign of the current President of Cameroon.
2) -Viewpoints against the official designation of the enemy by the authorities express an effort to translate the security crisis caused by Boko Haram into a local conflict about the regulation of the movement of elites with a regionalist resonance on the one hand, in the sense that it opposes elites from the same region competing for political leadership at the local level, having the value of a significant symbolic resource at the level of the national political scene and, on the other hand, in the sense of questioning the trajectories of the reproduction of the hegemonic alliance between political elites belonging to regionalised projects of unification of collective political entities making block against others of a similar nature. Behind the competitions between socio-political actors for the designation of the enemy are revealed the forms of objective or imaginary hostility (scapegoat) and the lines of political capitalisation of the disorder, notably of the security crisis induced by the attacks of Boko Haram, to resolve the uncertainty associated with the day that will follow the fantasised departure of the current president from power.
3) -The designation of the enemy functions in the context of Cameroon as a symbolic work of society on itself which presents a double face and at the same time, it is accompanied by a double production of meaning, one face focussed on the outside, the international relational field, attesting to a declaration of hostility against a target, which does not, however, exclude the exploitation of that enmity in order to warm or establish bonds of friendship (case of the authorities in power), and the other face oriented towards the interior, the national political space, which confuses in the same act the determination of a scapegoat and the covetousness of a sociopolitical capital transformable into a rite of institution having the value of confirmation or improvement of a position.
4) –Paying attention to the uses of the scapegoat in this context makes it possible to say that, objectively, hostility is a result of fluid modernity (and therefore of globalisation) while, under its imaginary aspect, it comes from the struggles for hegemony, that of France over Cameroon, or from the claims of local actors to hegemony either at the intra-regional level or at a level that is external to the latter, especially between southerners and northerners; from the point of view of local political life, the designation of the scapegoat is proof that we are faced with the opening of a space of struggles about the access to power with the issue of regulation at stake, on the one hand, and on the other hand, the crisis of esprit de corps within the ruling class or the hegemonic alliance.
IV.- Methodology
The study proposes to integrate into the same methodological system, the contributions of the sociology of translation, of anthropology mimetics and the sociology of the processes of discrimination conceptualized by Norbert Elias from the configurational analysis between the established and the marginalized.
The use of symbolic interactionism, natably in the analysis of the frameworks of the experiment, will enable us to study the controversy retained from the perspective of framework conflicts (E. Goffman, 1991: 314-327), by highlighting the competition between the interpretation references (B. Jobert, 1992: 220) of the situation provoked by the aggression of Boko Haram having the pretension to be the truth.
It makes it possible to account for the instrumental use of the scapegoat by the participants in the controversy, putting at the centre of the analysis the staging of the mimetic desire (R. Girard, 1972: 213-248). The latter is based on a process of identifying oneself with others which both imitates and stigmatises the imitated model while coveting what the latter possesses. The triangular fascination relationship is the scene of at least two individuals and an object, the possession of which is postulated as the basis of subjectivation. The rivalry or existential competition between the desireor and the other that he desires to be passes through a competition between them, and focuses on the object of desire (see C. Jaffrelot, 2007: 232). If the desire is that of the object possessed by the other, we must first know that all desire is desire to be and, things function in such a way that each desire is the imitation of the desire of another who fascinates and towards whom one experiences only resentment (R. Girard, 2013: 110). All this suggests that the use of mimetic anthropology will make it possible to question the hollow issues around this controversy beyond the discursive pretensions to the detention of the truth about the identity of the enemy behind Boko Haram.
These stakes take the form of the expression of a desire to be, which is itself borne by the desire for something in relation to the movement of the elites, which instructs the passing to the intelligence of politics through a socio-anthropology of desire or passions (D. Le Breton, 2004) of power.
In order to collect the data, it is proposed to use documentary research in the various writings bearing a trace of the controversy like newspapers or programs. Given the topicality of the subject matter, direct observation is a valuable research tool as well as narratives and targeted interviews. The aim of the study is to seek out, locate entrepreneurs of the manoeuvre and their victims, to reconstruct and grasp the form investments, the intermediaries, the discourse, the meaning and scope of these operations to account for the local appropriation of security crisis caused by Boko Haram in the Far North of Cameroon.
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Master's degree - ISTIC-Yaoundé- Cameroon
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